Comprendre la finance #1 – Séparer les mégabanques ? | Finance Watch

Comprendre la finance #1 – Séparer les mégabanques ?

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La nécessité d’une réforme structurelle en profondeur ne fait aucun doute. Reste à lui faire correspondre la volonté politique. Il n’y a aucune raison d’intérêt général pour que les citoyens et contribuables continuent à payer pour les banques dites ‘Too Big To Fail’. Thierry Philipponnat, Secrétaire Général de Finance Watch

PARTIE 1 : Le b.a.-ba

La proposition législative de la Commission européenne sur la réforme du secteur bancaire a finalement été publiée en janvier 2014. Cinq ans après la crise financière de 2008, la plus importante depuis 1929, la plupart des analystes sont d’accord pour souligner le fait que le système bancaire européen reste dominé par une poignée de banques universelles ‘trop grandes pour faire faillite’ (too big to fail), des banques de taille tellement énorme que leur faillite mettrait immédiatement le système économique mondial en danger.

Ce dossier multimédia vous donne un aperçu non technique sur la séparation bancaire, explique la position de Finance Watch sur cette thématique cruciale, et tâche de répondre à une question fondamentale: pourquoi doit-on séparer les mégabanques universelles?

Les banques universelles combinent deux activités sous un même toit : d’une part, les activités propres à la banque commerciale, et d’autre part celles liées à la banque d’investissement.

Au cours des quatre dernières décennies, le paysage bancaire a beaucoup changé suite aux vagues de libéralisation et de déréglementation, permettant à certaines banques universelles de grandir énormément et de devenir aujourd’hui des mégabanques qui dominent le secteur bancaire en Europe.

Regardez notre vidéo – L’essentiel en moins de cinq minutes

  • Une banque commerciale offre les services que votre banque locale vous fournit au quotidien. C’est la banque où vous vous rendez pour déposer de l’argent ou pour demander un prêt à la consommation. C’est aussi la banque qui gère les systèmes de paiement nécessaires au retrait d’argent aux distributeurs automatiques ou aux achats de biens et services.
  • Les activités des banques d’investissement incluent quant à elles le trading des actifs financiers tels que les titres et les dérivés. Ces services peuvent être utiles pour les entreprises désireuses de lever des fonds afin d’investir ou de gérer leur risque.

Le problème est qu’une grande partie des transactions financières qui passent aujourd’hui par ces mégabanques ne concerne que des entreprises financières. Autrement dit, les citoyens et la plupart des petites et moyennes entreprises n’utilisent pas, ou très peu, ces services. Même les entreprises multinationales (les « entreprises non financières » dans le jargon financier) n’ont besoin que d’une fraction des transactions effectuées par ces mégabanques. En effet moins de 10% des titres de créance émis, moins de 10% des dérivés de gré à gré et moins de 5 % des opérations de change sont utilisés par des entreprises de l’économie réelle. Ces services sont donc principalement nécessaires aux acteurs du secteur financier…

Une banque universelle combine des activités qui sont de nature fondamentalement différentes : celles de la banque commerciale sont fondées sur des relations de prêt à long terme, alors que le trading financier de la banque d’investissement implique une perspective à court terme. Au sein des banques universelles, la culture de court terme tend à influencer celle du long terme, et détériore par conséquent les relations de confiance sur lesquelles s’appuient les banques commerciales.

Tout d’abord, une banque universelle ne peut faire faillite ! L’Etat la protège puisqu’elle gère des services nécessaires au bon fonctionnement de l’économie réelle au quotidien, tels que les dépôts, le crédit et les systèmes de paiement.

Imaginez un instant que vous ne puissiez pas retirer votre argent d’un distributeur automatique ou que vous ne puissiez pas payer dans un magasin. Il est tout simplement inconcevable que ces services soient interrompus, ne fût-ce qu’une seule journée, car à l’échelle d’un pays, cela poserait de graves problèmes pour le système économique dans son ensemble.

Pour cette raison, les gouvernements sont obligés d’intervenir pour sauver les banques universelles lorsque les autres voies ont échoué. Et le problème réside dans le fait que ces banques universelles sont sauvées par le gouvernement même si ce sont leurs activités de trading qui s’effondrent !

Deuxièmement, elles développent des activités de trading très risquées.

Ces banques bénéficient d’un « refinancement avantageux » (par l’Etat) puisque ce dernier doit soutenir, comme nous venons de le voir, leurs opérations en tant que banques commerciales. Grâce à la garantie de l’Etat, ces mégabanques peuvent donc emprunter de l’argent à d’autres banques avec un taux d’intérêt plus faible, le risque étant nettement moins élevé pour leurs créditeurs ! Et comme ces mégabanques empruntent d’énormes sommes d’argent pour fonctionner, elles bénéficient d’un avantage considérable qui, en fin de compte, perturbe complètement la concurrence dans le secteur bancaire.

Et que font-elles de cet ‘argent bon marché’ ? Par un effet de levier financier* (voir Mr Jargon ci-dessous), elles développent des activités très risquées sous couvert de la garantie de l’Etat. La spéculation sur les marchés de produits dérivés (comme par exemple sur les matières premières alimentaires) est un exemple d’activité très rentable mais également à haut risque.

Les règles du jeu ne sont-elles pas faussées? Les banques universelles peuvent non seulement lever des fonds à de meilleurs taux d’intérêt, mais également spéculer à leur guise, tout en étant sûres qu’elles recevront le soutien de l’Etat en cas de danger…

Troisièmement, ce sont les contribuables qui doivent payer lors d’une faillite bancaire. La manière dont ces mégabanques sont structurées les rend trop grandes, trop importantes, trop complexes et trop interconnectées pour faire faillite. Le sauvetage du système bancaire suite à la crise de 2008 a eu un coût énorme pour le contribuable ! Au total, les Etats européens ont dépensé pas moins de 400 milliards d’euros d’aide publique ; et ce montant atteint 1.600 milliards d’euros si l’on inclut les garanties et les liquidités d’urgence fournies par les mêmes Etats aux banques. Ceci équivaut à 12 % de l’ensemble du PIB de l’UE, soit 12 % de la valeur de tous les biens et services produits en 2012 dans l’Union Européenne…

De plus, cette énorme quantité d’argent ne prend pas en compte les effets secondaires de la crise financière sur l’économie réelle et la société, tels qu’une longue récession et une forte augmentation du chômage (affectant surtout les jeunes). La réforme des structures bancaires apparaît dès lors comme une condition nécessaire pour éviter aux citoyens européens de devoir mettre la main au portefeuille en cas de nouvelle crise financière.

Ne pas oublier ! Il n’y a qu’un très petit nombre de mégabanques. L’infographie ci-dessous souligne que seule une poignée de celles-ci contrôlent l’ensemble du paysage bancaire de l’Union Européenne. Aujourd’hui, en Europe, le secteur est dominé par 15 mégabanques qui, à elles seules, représentent 43 % du marché. En bénéficiant d’une garantie implicite de l’Etat, ces banques rendent plus difficile l’entrée de nouvelles banques dans le secteur, réduisant la diversité et faussant ainsi la concurrence.

Vous avez sans doute souvent lu le terme ‘effet de levier’ (leverage) dans des articles liés à la finance et vous vous demandez peut-être ce qu’il peut bien signifier. C’est en effet un mécanisme crucial qu’il faut bien comprendre puisqu’il réside au cœur de la logique du système financier.

Il se réfère à la quantité d’argent qu’un acteur peut emprunter en rapport avec le capital qu’il possède. Imaginons par exemple que vous voulez acheter une maison et que vous avez déjà 20 % du prix d’achat sur votre compte en banque. Pour chaque euro que vous possédez, vous devez donc en emprunter quatre et votre effet de levier est donc de 1 à 4.

Mettez-vous maintenant à la place d’une banque. Vous réalisez des profits en prêtant de l’argent (ou en achetant des actifs financiers, ce qui revient au même). Si pour chaque euro que vous possédez vous en prêtez 4, vous aurez vite compris l’utilité de ce levier car il vous permet de faire, plus rapidement, plus de profit pour vos actionnaires (les propriétaires des banques). Plus vous utilisez cet effet, plus vous avez d’argent et plus vous pouvez en prêter… En d’autres termes, il vous permet de ne pas utiliser votre propre capital mais du capital que vous avez emprunté sur le marché.

L’inconvénient de ce mécanisme intelligent est de rendre les banques fragiles en proportion de l’effet de levier qu’elles utilisent! Avant la crise en 2008, il était courant pour les banques universelles d’atteindre un effet de levier de 1 à 30, voire même plus ! Une banque avec un capital propre de 1 pouvait donc, grâce à l’argent emprunté, acheter des actifs sur les marchés financiers pour une valeur 30 fois plus grande…

Le problème? Avec un fort effet de levier, il suffit d’une très petite baisse de la valeur de vos actifs pour effacer votre capital de départ et créer la faillite. Plus précisément, une simple baisse de 3,33% (1/30) sur vos actifs impliquerait immédiatement que l’argent que vous devez (vos dettes) soit plus important que ce que vous possédez (votre actif). C’est ‘Game over’ et vous faites faillite !

Toutefois, comme nous l’avons dit plus haut, les banques universelles ne peuvent pas faire faillite ! Elles profitent du fait que, contrairement à d’autres entreprises du marché, les États feront tout pour les sauver. Voilà pourquoi l’effet de levier est un facteur clé pour comprendre le système financier risqué dans lequel nous vivons.

Peu de choses ont pourtant changé cinq ans après la crise (voir notre campagne « Changer la Finance ! » pour en savoir plus) : le coût des faillites bancaires reste mutualisé, et donc payé par l’ensemble des contribuables, tandis que les profits bancaires sont privatisés, c’est-à-dire redistribués uniquement aux actionnaires et salariés de la banque. Dans cette situation, est-il juste que ce soit encore et toujours aux contribuables de payer en cas de problème de ces mégabanques ?

Une leçon clé que le monde politique a pu tirer de la crise financière de 2008 est que la hausse puis la chute des prix sur le marché immobilier américain ont eu des conséquences plus graves que les crises précédentes, principalement en raison de l’interaction entre banques commerciales et banques d’investissement (Cliquez sur l’image pour une animation visuelle de 10 minutes (en anglais) qui explique la crise américaine des ‘subprimes’).

Le mécanisme qui a généré la crise peut être expliqué de la façon suivante : les prêts hypothécaires pris par les citoyens auprès de leurs banques locales pour investir dans l’immobilier ont été convertis par les banques d’investissement en actifs financiers, vendus ensuite à d’autres banques d’investissement partout dans le monde. Lorsque la bulle immobilière a éclaté aux Etats-Unis, les gouvernements ont été contraints non seulement de sauver les banques commerciales mais aussi les banques d’investissement en raison de leurs activités commerciales. Cette crise témoigne donc très clairement de l’interconnexion entre ces deux types de banques au travers des activités de trading : la défaillance d’une banque peut provoquer la faillite de nombreuses autres. Comme nous l’avons vu ci-dessus, cette interconnexion a été en partie alimentée par « l’argent bon marché» que ces banques d’investissement peuvent obtenir grâce à la garantie de l’Etat.

N’est-ce pas le monde à l’envers? D’une part, des citoyens demandent un prêt afin d’acheter une maison et d’assurer un meilleur avenir à leur famille ; d’autre part, ils sont inconsciemment impliqués dans une manœuvre spéculative orchestrée par des mégabanques qui, non seulement plongent l’économie réelle dans une crise mondiale, mais qui en plus, forcent ces citoyens à en payer les conséquences…

Comme un air de déjà vu…

Dans la foulée du Krash de 1929, la plus grande crise financière du 20ème siècle, le législateur américain adopte des mesures pour séparer entièrement les banques commerciales des banques d’investissement.

  • En 1933, quatre ans après le Krach, Franklin D. Roosevelt signe la loi sur la réforme des banques (Banking Act). Cette loi est connue sous le nom de Glass-Steagall Act.
  • En 1999, 66 ans plus tard et avec le vent de la mondialisation en poupe, Bill Clinton abroge ces dispositions pour permettre la création de banques universelles. Moins d’une décennie plus tard, les Etats-Unis (et l’économie mondiale) sont frappés par la crise financière la plus grave depuis 1929…

Les décideurs politiques du monde entier ont depuis émis des propositions législatives pour séparer ces deux types de banques.

Le thème de la séparation des banques est déjà à l’agenda de l’Union Européenne depuis deux ans. En octobre 2012, un ‘Groupe d’experts de haut niveau’, désigné par la Commission européenne et dirigé par le Gouverneur de la Banque de Finlande Erkki Liikanen, a publié une série de recommandations en faveur d’une séparation des activités bancaires.

Entre autres, ce groupe d’experts souligne clairement l’importance de réduire la complexité des banques, ce qui permettrait de gérer plus facilement leur faillite et, surtout, de réduire les risques pour les déposants, les clients et les contribuables.

Photo: Erkki Liikanen rencontre les membres de Finance Watch

La proposition du Commissaire Barnier

La proposition législative de la Commission européenne, publiée en janvier 2014 par Michel Barnier (le Commissaire sortant au Marché intérieur et aux Services), est la suite logique et attendue du rapport Liikanen. Les objectifs de la Commission sont de rendre les banques plus sûres et plus faciles à gérer quand elles sont en difficultés, de promouvoir une concurrence plus équitable entre les banques, d’éviter une mauvaise affectation des ressources et de réduire les conflits d’intérêts au sein des banques universelles.

” Les bons objectifs, un mécanisme qui pourrait constituer un progrès majeur, à condition d’y mettre les moyens suffisants.”

Les objectifs de la proposition de la Commission sur la séparation bancaire sont louables et ambitieux. Elle propose un mécanisme de séparation qui n’est pas parfait mais qui constitue néanmoins un grand pas dans la bonne direction. Le texte doit toutefois être amélioré : il reste certains points d’interrogation sur le comment et sur le qui décide en cas de séparation bancaire. Au lieu d’une règle simple et automatique qui rende la séparation obligatoire, la proposition de la Commission reste complexe et donne une marge de manœuvre importante aux superviseurs nationaux.

La proposition de la Commission sera reprise par le Parlement (et les nouveaux Commissaires) issu des élections européennes après les vacances d’été. Cela signifie que son sort sera décidé, au plus tôt, en 2015. Il reste donc un long parcours avant une séparation effective en Europe. Un parcours que le lobby bancaire parsèmera d’embûches en tous genres…

PARTIE 2 : Le débat et la position de Finance Watch

Comme vous pouvez l’imaginer le secteur financier a exercé d’énormes pressions – avec succès d’ailleurs – pour affaiblir les diverses initiatives législatives en cours aux quatre coins du monde. Il a surtout essayé de créer un climat de peur au sein du monde politique en insistant sur le fait que toute réforme serait nuisible à une économie déjà fragilisée. Selon Finance Watch, la réalité est pourtant toute autre : la réforme des structures bancaires est une étape essentielle pour relancer l’économie de l’Union Européenne. Dans cette partie du dossier, nous vous présentons quelques-uns des arguments utilisés par le lobby financier, en les comparant à la position de Finance Watch.

Lobby bancaire : « Il y a déjà eu suffisamment de lois de réglementation bancaire. »

Finance Watch : Quantité n’est pas synonyme de qualité… Personne ne mesure pour l’instant si ces législations permettront d’éviter une crise dans un avenir proche. Certaines réformes nécessaires n’ont toujours pas été mises en place!

Lobby bancaire : « Une séparation bancaire nuirait au bon fonctionnement de l’économie réelle. »

A peine ! En ce qui concerne les banques d’investissement, seul un petit pourcentage de leurs activités concerne les entreprises non-financières, c’est à dire des entreprises impliquées dans l’économie réelle : moins de 10% des titres de créance émis, moins de 10% des dérivés de gré à gré et moins de 5 % des opérations de change. Et en ce qui concerne les prêts effectués par les banques, seulement 28 % des actifs bancaires de l’Union Européenne sont prêtés aux ménages et aux entreprises… Une séparation bancaire ferait donc tout sauf « nuire à l’économie réelle » puisqu’elle restaurerait la logique de prêt à l’économie réelle, propre aux banques commerciales.

Lobby bancaire : « Le profit des activités de trading financier des banques d’investissement stimule les prêts aux acteurs de l’économie réelle. »

Pas du tout, c’est l’inverse ! Les bénéfices provenant des activités de trading sont artificiellement subventionnés par la protection des services bancaires essentiels par l’Etat.

Lobby bancaire : « Séparer les banques universelles revient à créer deux banques systémiques au lieu d’une. »

Cette argumentation ne tient pas la route ! Les deux banques créées seraient à coup sûr plus petites et moins interconnectées entre elles qu’une seule mégabanque clairement ‘trop grande pour faire faillite’. La séparation permettrait de réduire la probabilité de contagion étant donné que des coupe-feux seraient érigés entre les activités commerciales et celles d’investissement dans un même groupe bancaire.

Lobby bancaire : « Seules les banques d’investissement aux États-Unis, comme Lehman Brothers, ont eu des problèmes. Les banques françaises, par exemple, sont passées au travers de la crise ; les grandes banques allemandes aussi. »

Et qui a dû sauver les banques allemandes et françaises ayant négocié des contrats financiers avec AIG ou ayant investi en Irlande ? Les contribuables américains et irlandais ! C’est l’interaction entre banques commerciales et banques d’investissement, et la transformation immédiate de prêts hypothécaires en actifs financiers, qui ont fait que l’écroulement du marché de l’immobilier a affecté instantanément le système financier et l’économie mondiale dans son ensemble. Bienvenue dans une mondialisation déréglementée !

Finance Watch se positionne fermement en faveur d’une séparation des activités des banques commerciales de celles des banques d’investissement. Une telle séparation produirait les effets suivants :

1.   Couper le ‘cordon ombilical’ (masqué) par lequel le soutien étatique, nécessaire aux banques commerciales, est utilisé pour alimenter les activités de trading financiers des banques d’investissement. Cette subvention implicite encourage indûment la croissance excessive des mégabanques universelles.

2.   Séparer deux cultures très différentes : celle du long terme de celle du court terme. Ceci permettrait d’éviter la situation actuelle dans laquelle la culture du court terme des banques d’investissement influence de manière négative la culture du long terme et la relation de confiance sur laquelle repose l’activité des banques commerciales.

3.   Apporter de la stabilité financière, éviter la contagion entre banques et rendre leur gestion en cas de grande difficulté possible – même pour les plus grandes. Cela diminuerait considérablement le risque pour les contribuables de devoir encore renflouer les banques en cas de nouvelle crise financière.

4.   Eviter le grippage de l’économie lorsqu’une banque d’investissement fait faillite. La séparation des activités bancaires permettrait qu’une banque d’investissement puisse faire faillite sans impliquer des acteurs de l’économie réelle.

Les décideurs politiques s’accordent sur les raisons pour lesquelles les activités bancaires doivent être séparées. Ils reconnaissent également l’importance de mettre en œuvre cette séparation « lorsque tout va bien » (in good times), car envisager une séparation au milieu d’une crise est non seulement peu pratique, mais elle pourrait surtout être beaucoup plus coûteuse et dommageable pour l’économie réelle. Les gouvernements diffèrent cependant encore sur les réponses qu’ils apportent aux questions du ‘quoi’ et du ‘comment’ de la séparation.

Plusieurs pays européens ont déjà adopté des réformes nationales de leur structure bancaire, ce qui met la pression sur les institutions européennes pour qu’elles adoptent une approche harmonisée.

France

La France a adopté une « séparation et de régulation des activités bancaires », le 26 juillet 2013. Dans l’état actuel du projet de loi, il y a peu de doute que les objectifs annoncés par le gouvernement ne soient pas atteints. En d’autres termes, la loi française qui vise à séparer et à réglementer les banques, ne séparera et ne changera presque rien…

Lisez le point de vue de Finance Watch sur les faiblesses de la réforme française en cliquant ici.

Allemagne

L’Allemagne a adopté une réforme similaire sur la structure des banques le 7 août 2013 et certaines parties de cette réforme sont déjà entrées en vigueur en janvier 2014. Comme la réforme française toutefois, cette réforme allemande ne parvient pas à séparer les activités d’investissement des banques universelles de leurs activités commerciales… Pour vous donner un seul exemple, la grande majorité des 60.000 milliards d’euros de montant notionnel des dérivés, c.-à-d. la valeur totale sur laquelle se basent tous ces contrat de dérivés, de la Deutsche Bank (soit environ 23 fois le produit intérieur brut de l’Allemagne!!) sera épargnée par ce projet de loi bancaire, malgré son objectif de séparer les risques et de protéger à la fois les contribuables et les déposants. Lisez le point de vue de Finance Watch sur les faiblesses de la réforme allemande dans notre document du 22 avril 2013.

Royaume-Uni

Le ‘Banking Reform Act’ est devenu loi en décembre 2013. Son idée centrale repose sur l’isolation (ringfencing) des activités des banques commerciales de celles des banques d’investissement au sein d’un même groupe bancaire.

Similaire d’une certaine manière aux propositions du Rapport Liikanen, le ‘ringfencing’ permet aux groupes bancaires de posséder à la fois des banques d’investissement et des banques commerciales dans une même holding, tant que chacune a son propre capital et sa propre structure de gouvernance. C’est sans nul doute la réforme bancaire la plus aboutie au niveau européen aujourd’hui. Toutefois, beaucoup d’événements pourraient encore se produire avant que les banques ne soient tenues de se conformer à la loi… en 2019 !

Finance Watch a publié une contribution au débat sur le ‘ringfencing’ le 14 février 2013.

Belgique

Le gouvernement belge travaille lui-aussi sur une proposition de réforme qui devrait être présentée au Parlement belge en mars 2014. Alors que nous écrivons ces lignes, nous ne pouvons toujours pas nous prononcer sur le contenu de cette proposition. D’une part, la première proposition mise sur la table semblait être ambitieuse, suggérant une séparation de toutes les activités de marché au-delà d’un seuil de 15 % du total des actifs ; d’autre part, les dernières versions du texte auxquelles nous avons eu accès montrent un net recul en faveur du lobby bancaire…

Finance Express: L’essentiel en quatre minutes : « Qu’est-ce qu’une banque universelle et quel est le problème? »

Images: © Shutterstock, railway switch (Cover photo), © Jonathan Jarvis, © Justin Lane, The New York Times, © National Archive, © http://lastexittoreality.com/ (for details please see pdf)

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