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Méfiez-vous des analyses d’impact

Better Regulation
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Ou « Pourquoi la tarte aux pommes n’est pas toujours bonne pour vous »

En mai, le vice-président de la Commission européenne Timmermans a présenté ses propositions pour une meilleure réglementation, afin d’alléger le fardeau réglementaire et d’améliorer le processus législatif. Certains comparent l’initiative pour une meilleure réglementation à une tarte aux pommes car personne n’est contre. Mais pourquoi le sujet est-il donc si controversé ?

Depuis que le paquet de réformes a été annoncé, plus de 50 organisations de la société civile ont constitué un nouveau réseau appelé le Better Regulation Watchdog. Ses membres, dont Finance Watch fait partie, s’inquiètent du prix à payer par la société pour les bénéfices de cette initiative.

La proposition comprend des consultations supplémentaires pour les parties prenantes et un engagement de la Commission à insister sur l’usage de son droit à retirer les propositions législatives qu’elle estime dénaturées par les amendements adoptés par le Parlement européen ou les États membres (« quand le cheval est devenu un chameau », comme cela a été décrit).

Une proposition potentiellement inquiétante concerne la multiplication des analyses d’impact à différents stades de la législation. La Commission souhaite que le Parlement et le Conseil quantifient l’impact des amendements introduits. Les changements ayant un « impact » négatif ne devraient plus être acceptables.

La Commission revoit aussi ses propres procédures, grâce à l’intervention du Comité d’examen de la réglementation, composé pour moitié d’experts « indépendants » qui examineront l’analyse d’impact des propositions de la Commission préalablement à leur présentation.

Mais comment mesurer l’impact législatif ? Il n’existe aucune définition uniforme et les participants au débat confondent souvent les charges administratives et l’impact de la réglementation sur les entreprises.

Les charges administratives sont souvent qualifiées de lourdeurs bureaucratiques. Personne n’étant partisan d’un fardeau administratif inutile, il nous faudrait œuvrer ensemble pour réduire ces charges au minimum. La législation devrait être facile à respecter et devrait éviter, par exemple, d’introduire des exigences de transparence doubles ou conflictuelles.

Cependant, les frais de mise en conformité sont à distinguer de l’impact (négatif) de la réglementation sur un certain modèle d’affaires. Souvent, cet impact constitue en fait l’objectif de la réglementation, comme lorsqu’on propose de réduire la proportion des transactions à haute fréquence ou de l’activité spéculative sur les marchés financiers pour stabiliser ces marchés et s’assurer qu’ils répondent à leur objectif social. Par définition, il s’agit évidemment d’une mauvaise nouvelle pour les entreprises impliquées dans ce type d’activités.

Il n’est pas surprenant que ceux que l’on régule soient prompts à faire remarquer l’impact de la réglementation sur leurs activités. Au cours des six dernières années, l’UE a légiféré dans bien des domaines de l’industrie financière auparavant exempts de règles, comme les « fonds spéculatifs », la vente à découvert et les sicav monétaires. Quand ces entreprises se plaignent que la réglementation affecte leurs activités, cet impact doit être mis en balance avec les avantages sociétaux de la réglementation, au travers d’une véritable analyse des coûts et bénéfices.

D’une part, les coûts de la réglementation sont souvent assez faciles à calculer (comme le démontrent les acteurs de l’industrie qui protestent) puisqu’ils sont aisément quantifiables, immédiats et touchent un nombre restreint de parties prenantes qui feront des pieds et des mains pour montrer à quel point leurs bénéfices ont baissé par rapport à la situation antérieure à la législation.

D’autre part, les bénéfices de la réglementation sont difficiles à quantifier, identifiables à long terme et englobent un vaste groupe de parties prenantes. Quelle valeur apposer à la réduction du risque à long terme de devoir financer des sauvetages de grandes banques systémiques ? Essayez d’en chiffrer le prix. Est-il acceptable que de grandes banques perdent des centaines de millions de bénéfices potentiels afin d’éviter aux contribuables de payer des milliards pour sauver les banques ?

Malheureusement, quand les décisionnaires évoquent les analyses coûts-bénéfices, ils renvoient souvent à des analyses se concentrant uniquement sur les coûts. Il est donc essentiel de revenir aux raisons ayant motivé la réglementation du secteur financier : nous avons traversé la pire crise financière depuis un siècle et cet événement a eu un impact considérable sur l’économie réelle. Les contribuables ont dû sauver des banques trop grandes pour faire faillite et la législation devrait viser à limiter le risque que cela se reproduise.

Voilà pourquoi nous sommes sceptiques face à cette insistance pour démultiplier les analyses d’impact. Il est difficile de voir comment le processus législatif pourrait s’améliorer du point de vue de la société si chaque amendement significatif requiert une nouvelle analyse d’impact se concentrant essentiellement sur les coûts pour les entreprises.

L’initiative pour « mieux légiférer » pourrait avoir un impact durable sur le mode d’élaboration des règles démocratiques, c’est même son objectif. Il existe d’autres sujets de préoccupation que les analyses d’impact. Pour en savoir plus, surfez sur le site web du Better Regulation Watchdog.

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