Plaidoyer en faveur des Banques Ethiques – une initiative italienne | Finance Watch

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Plaidoyer en faveur des Banques Ethiques – une initiative italienne

Fin 2016 une loi italienne a, pour la première fois, défini la finance éthique. Le nouvel article 111 de l’Acte Bancaire (Testo Unico Bancario -TUB) définit comme « opérateurs financiers durables et éthiques » les banques dont les activités sont conformes aux principes suivants :

a) Evaluation des prêts octroyés aux personnes légales en accord avec les standards de notation internationalement reconnus comme éthiques, prenant en compte tout particulièrement les impacts sociaux et environnementaux. ;

b) Publication de données (y compris sur Internet), au minimum annuellement, attestant de l’octroi de prêts décrits dans le paragraphe a), dans la mesure du respect de la protection des données personnelles et de la vie privée;

c) Octroi d’au moins 20% du portefeuille de prêts à des organisations sans but lucratif ou à des entreprises sociales telles que définies par la loi;

d) Réinvestissement des profits dans des activités au lieu de leur distribution;

e) Adoption d’un système de gouvernance et d’un modèle d’organisation orientés vers des principes participatifs et démocratiques et caractérisés par un actionnariat dispersé ;

f) Adoption d’une politique de rémunération limitant fortement la différence entre les plus hautes rémunérations et la rémunération moyenne au sein de la banque. Dans tous les cas, un tel ratio ne peut dépasser la valeur de 5.

D’après la nouvelle loi, les banques qui remplissent ces critères peuvent obtenir des exonérations d’impôt afin de faciliter leur capitalisation. Ces incitations sont à ce jour extrêmement limitées, en partie en raison d’une interprétation restrictive des réglementations européennes en matière d’aide d’État. Leur importance, cependant, n’est pas tant due à leur implication pratique qu’au message culturel et politique qu’elles véhiculentBanca Etica – actuellement la seule institution financière italienne légalement définie comme banque éthique – demande depuis des années une reconnaissance légale de la finance éthique en accord avec des critères clairs et rigoureux.

Plusieurs articles publiés par global alliance for banking on values (GABV), un réseau de banques durables, montrent que les banques durables prêtent presque deux fois plus en proportion du total de leurs actifs que les banques too big to fail. Ces dernières années, alors qu’un sévère resserrement du crédit a affecté les entreprises et ménages italiens, Banca Etica n’a cessé d’augmenter son offre de prêts, soutenant particulièrement le monde associatif, les projets à visée sociale et écologique et la création ou la préservation d’emplois. Une enquête menée il y a quelques années a montré que presque la moitié des organisations ayant obtenu un prêt auprès de Banca Etica avaient précédemment vu leur demande de crédit rejetée par au moins une autre banque. En même temps, Banca Etica affiche un taux de défaillance sur prêts avoisinant les 1%, alors que la moyenne pour les banques italiennes est de 4,8%.

Nous observons donc une augmentation des prêts accordés à des clients qui sont souvent considérés comme à risque par d’autres banques, et ceci avec un taux de défaillance sur prêts non pas simplement égal ou légèrement meilleur que la moyenne des banques italiennes, mais qui est plus de quatre fois plus bas. Les dépôts et prêts de Banca Etica ont connu une hausse de plus de 10% en 2016, soutenant ainsi près de 9000 projets dans le domaine de la coopération sociale, la coopération internationale, l’environnement, la culture, la société civile et la nouvelle économie.

Ce modèle s’avère donc meilleur non seulement d’un point de vue environnemental et social, mais aussi d’un point de vue économique. Ce modèle devrait donc pour le moins être reconnu, et idéalement encouragé en parallèle du modèle plus traditionnel. Il ne s’agit pas d’instaurer une frontière stricte entre les deux modèles ou de construire une quelconque ‘appellation protégée’ de la finance éthique, bien au contraire. En effet, reconnaitre et se soucier des spécificités de la finance éthique est la première étape dans le dépassement de l’approche uniforme qui caractérise une grande partie de la réglementation financière européenne, où les règles sont trop souvent érigées pour répondre aux seuls besoins des grands groupes bancaires.

Pour changer la finance et éviter les désastres des dernières années il est nécessaire, mais pas suffisant, de confronter les Directives et Règlements en provenance des institutions européennes. Les organisations de la société civile et les réseaux ne peuvent plus se limiter à jouer défensif et à faire du ‘contre-lobby’. Il est temps d’adopter une approche proactive et d’œuvrer à la reconnaissance et à la promotion d’un système financier différent. Nous devons nous atteler à la mise en place d’un système dans lequel la finance est un outil au service de la société et non une fin en soi pour faire de l’argent sur de l’argent dans un laps de temps le plus court possible ; un système qui opère de façon entièrement transparente, assurant une large participation et l’évaluation de tous les effets non-économiques des activités économiques ; un système où la notion de durabilité comprend tant les aspects économiques qu’environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Voilà certaines des idées clés de la finance éthique. Un grand pas en avant a été fait avec la reconnaissance légale de la finance éthique établie par la nouvelle loi italienne. Mais ce n’est que la première étape d’un long chemin – chemin qui doit maintenant aussi passer par l’échelle européenne.

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