Les députés français ne doivent pas bloquer la finalisation des accords de Bâle III | Finance Watch

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Les députés français ne doivent pas bloquer la finalisation des accords de Bâle III

[EDIT: La résolution a été votée : 91 pour, 16 contre, voir ce décryptage]

Aujourd’hui à partir de 15h, les députés français discuteront et voteront la proposition de résolution n° 2399 déposée par 66 d’entre eux [1]  qui vise à empêcher la mise en œuvre intégrale de Bâle III. Finance Watch a appelé les députés français à ne pas voter la proposition de résolution dans le texte ci-dessous :

Reprenant fidèlement les arguments du lobby bancaire, et notamment ceux développés par la Fédération bancaire européenne et la Fédération bancaire française, la proposition de résolution procède, dans son exposé des motifs, par une série d’affirmations dénuées de fondement économique :

  • Elle pose comme un fait acquis que des banques mieux capitalisées et plus sûres seront moins à même de servir l’économie productive[2]ce que toutes les études empiriques sérieuses contredisent et qui semble négliger le fait que les industries bancaires européenne et française souffrent aujourd’hui d’un excès, et non d’une insuffisance, de capacité et que moins de 15% du total de bilan des banques françaises est consacré au financement d’entreprises non financières.
  • Finance Watch Les députés français ne doivent pas bloquer la finalisation des accords de Bâle III

    “Amis députés, lorsque vous voterez la résolution n°2399 sur #Bâle3 cet après-midi, n’oubliez pas l’avertissement du gouverneur de la
    Banque de France” – extrait de médias sociaux de Finance Watch

    Elle affirme que la finalisation des accords de Bâle III désavantage les banques européennes par rapport aux banques américaines du fait d’un plancher minimum de fonds propres, baptisé “output floor”, qui aura un impact supérieur sur les banques européennes que sur les banques américaines, ignorant au passage que si les banques américaines seront peu impactées par un output floor fixé à 72,5% c’est qu’elles sont déjà sujettes à un plancher beaucoup plus exigeant fixé à 100%.

  • Elle reprend à son compte les arguments des lobbys bancaires sur le coût soi-disant insupportable pour les banques d’une augmentation de leurs fonds propres, semblant par là ignorer le caractère extrêmement progressif de l’augmentation en question qui sera étalée jusque 2027 et le fait que des fonds propres additionnels sont synonymes pour les banques de moyens supplémentaires pour financer l’économie.
  • Elle semble ignorer le coût social et budgétaire considérable des crises financières, par exemple le fait que 1.500 milliards d’euros d’argent public ont été mobilisés pour sauver le système bancaire européen du fait de la crise de 2007-2009 et que 230 milliards d’euros du même argent public ont été définitivement perdus à cette occasion.
  • Elle procède par affirmation et n’explique pas en quoi la mise en place de règles mondiales équivalentes pourrait mettre en danger la compétitivité du secteur financier européen et la souveraineté économique de la France et de l’Union.

Un mémo de Finance Watch intitulé “How can safer banks hurt the EU economy?” a montré récemment l’absence de fondement des arguments affirmant que des banques plus solides et stables pourraient être néfastes à l’économie. Nous espérons que les députés français ne se laisseront pas convaincre par des arguments allant à l’encontre de l’intérêt de l’économie de la France et de l‘Europe.

Finance Watch espère que l’Assemblée Nationale française n’adoptera pas une résolution ne reposant sur aucun argument économique sérieux et qui porterait atteinte à la crédibilité au sein de l’Union européenne de la France en tant que force motrice œuvrant pour un système financier stable et responsable au service de l’économie réelle.

Aller plus loin avec Finance Watch sur le sujet :


Eléments de contexte :

Le 22 novembre, Copenhagen Economics publiait un rapport pour le compte de la Fédération Bancaire Européenne sur la mise en oeuvre Européenne du cadre final de Bâle III.

Le même jour, le Conseil de Stabilité Financière rendait publique sa liste de 2019 des banques globales d’importances systémiques, incluant 30 institutions, soit une de plus que l’année précédente.

Le 29 novembre, le Conseil de Stabilité Financière publiait son rapport sur l’évaluation du financement des PME. Selon Klaas Knot, Vice-Président du CSF et Président de la Banque des Pays-Bas, qui a dirigé ce travail, « l’étude apporte d’importantes preuves sur le fait que les réformes post crise financière n’ont pas débouché sur une réduction tangible et évidente des prêts aux PME. En effet, les réformes ont créé un système financier plus résilient avec des fondations solides permettant le soutien à la croissance des PME sur le long terme ».

Le 4 Décembre, l’Autorité Bancaire Européenne publiait la deuxième partie de ses recommandations sur la mise en oeuvre de Bâle III au sein de l’UE, confirmant la réponse de Finance Watch à Copenhagen Economics« Les bénéfices de long-terme sont substantiels et l’emportent sur les modestes coûts transitoires. La réforme réduira la sévérité des ralentissements économiques futurs par la réduction tant de la probabilité que de l’intensité des futures crises bancaires, permettant de considérables bénéfices nets à long terme d’environ 0,6% de PIB annuel ».

La Fédération bancaire française (FBF) a aussi publié un mémo « Les accords de Bâle et leurs conséquences sur l’économie  » le 22 novembre 2019 en faisant référence au papier de Copenhagen Economics.

Un groupe de 66 parlementaires français soutient une résolution visant à empêcher la mise en œuvre intégrale de Bâle III. Elle doit être débattue à l’Assemblée nationale le 7 janvier 2020.

[1] Éric WOERTH, Damien ABAD, Gilles LE GENDRE, Patrick MIGNOLA, Jean-Christophe LAGARDE, Philippe VIGIER, Joël GIRAUD, Olivia GREGOIRE, Daniel LABARONNE, Jean-Noël BARROT, Charles de COURSON, Benjamin DIRX, Nadia HAI, Marie-Christine DALLOZ, Saïd AHAMADA, François ANDRÉ, Émilie CARIOU, Anne-Laure CATTELOT, Jean-René CAZENEUVE, Philippe CHASSAING, Francis CHOUAT, Olivier DAMAISIN, Dominique DAVID, Stella DUPONT, Sophie ERRANTE, Olivier GAILLARD, Perrine GOULET, Romain GRAU, Alexandre HOLROYD, Christophe JERRETIE, François JOLIVET, Michel LAUZZANA, Fabrice LE VIGOUREUX, Marie-Ange MAGNE, Cendra MOTIN, Catherine OSSON, Xavier PALUSZKIEWICZ, Hervé PELLOIS, Valérie PETIT, Bénédicte PEYROL, Benoit POTTERIE, Xavier ROSEREN, Laurent SAINT-MARTIN, Jacques SAVATIER, Olivier SERVA, Benoit SIMIAN, Marie-Christine VERDIER-JOUCLAS, Julien AUBERT, Émilie BONNIVARD, Fabrice BRUN, Gilles CARREZ, François CORNUT-GENTILLE, Nicolas FORISSIER, Patrick HETZEL, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Robin REDA, Bruno DUVERGÉ, Sarah EL HAÏRY, Mohamed LAQHILA, Jean-Paul MATTEI, Vincent LEDOUX, Patricia LEMOINE, Lise MAGNIER, Michel CASTELLANI, François PUPPONI

[2] « Cela paralyserait la capacité des banques à financer la croissance de l’économie, et à accroître leur niveau d’investissement dans les transitions numérique et écologique. »

 

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