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Pourquoi pensons-nous que la proposition de la Commission Européenne prévoit des mécanismes trop fragiles en dépit de ses bons objectifs?

Banking separation
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Photo by DAVID ILIFF. License: CC-BY-SA 3.0

Les gouvernements se doivent d’assurer les arrières des banques de détail: en cas de faillite, elles emporteraient dans leur chute l’épargne des populations, ce qui ne manquerait pas de causer des émeutes. Par contre, les gouvernements n’ont pas à se porter garants des banques d’affaires – à moins qu’ils n’y soient forcés en raison de la structure de ces banques qui réunissent en une même entité activités de banque de détail et de banque d’investissement.

La proposition de la Commission sur la réforme de la structure du secteur bancaire européen a pour objectif de réduire le soutien apporté par les gouvernements aux banques d’affaires, en établissant la possibilité d’obliger les grandes banques à placer leurs activités de marché dans une filiale séparée au capital indépendant. Cette opération relativement simple empêcherait que les banques d’affaires ne bénéficient implicitement du soutien explicite que les états apportent aux banques de détail. Le transfert de cet avantage au profit des activités de marché est une réalité (voir schéma) et permet de comprendre pourquoi les banques d’affaires peuvent octroyer des bonus plus élevés ; une sorte de subvention indirecte, en somme. Le soutien aux activités de marché ainsi accordé par l’Etat est la cause de nombreux problèmes dans le secteur bancaire – incitation à la prise de risque, concurrence faussée, … – et contribue à l’instabilité financière. Y mettre fin est donc le bon objectif.

Un second point positif est la visée de la proposition de la Commission: elle entend séparer des activités de crédit et de dépôt presque toutes les activités de marché, y compris les plus importantes telles que la tenue de marché, la titrisation et le trading de dérivés. C’est nettement mieux que les approches adoptées par les Etats-Unis, la France et l’Allemagne, qui se concentrent principalement sur le « trading pour compte propre », c’est-à-dire les activités que la banque effectue pour son propre compte et non pour celui de ses clients. Cela ne représente qu’une portion réduite des activités de la plupart des banques, qu’on estime aujourd’hui à 1 ou 2%.

Mais le mécanisme de séparation des banques proposé par la Commission est fragile car il repose sur le jugement des autorités de supervision pour mettre en place la séparation –jugement qui dépend de nombreux facteurs, y compris le lobbying et les pressions politiques. Cela n’est pas comparable à une situation où la séparation serait automatique.

Séparation automatique entre activités de marché et activités de banque commerciale

La proposition de la Commission crée un pouvoir de séparation dont peut user “l’autorité compétente” seulement si toutes les conditions prévues dans la réglementation sont remplies. L’une de ces conditions est que la structure du bilan de la banque soit jugée comme menaçante pour la stabilité financière. A moins qu’il n’y ait une crise financière dans l’air, la plupart des grandes banques auront de bonnes chances de passer au travers de cette condition, surtout si l’autorité compétente est vulnérable aux pressions lorsqu’elle rend son jugement.

EU – Le trading pour compte propre est interdit, et les autres activités de trading peuvent être séparées:

  • Si la banque est assez grande
  • Si le trading dépasse certains seuils
  • Si l’autorité compétente considère qu’il y a une menace pour la stabilité financière
  • Si la banque est incapable de convaincre l’autorité compétente du contraire

Finalement, la décision de séparer ou non dépendra en grande partie de la façon dont l’autorité compétente exercera son pouvoir discrétionnaire. L’impact de la proposition de l’UE dépendra de l’attitude des superviseurs : elle pourrait avoir un effet significatif si les autorités de supervision appliquent le texte à la lettre, mais si les superviseurs sont trop complaisants, la réglementation envisagée pourrait aussi n’avoir pas de conséquence autre que l’interdiction des activités de trading pour compte propre, de taille très limitée. Cela laisserait les plus grandes banques européennes dans leur état actuel : libres de bénéficier du soutien public pour toutes leurs activités – activités de marché inclues.

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