« Un pour un » : l’appel en faveur d’exigences prudentielles pour le financement des énergies fossiles afin d’éviter une crise économique

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Dans le cadre de notre campagne « Un pour un » (Un euro de fonds propres pour un euro investi), Adam Tooze, Ann Pettifor et Stephany Griffith-Jones, aux côtés d’autres éminents universitaires, réclament des exigences prudentielles en matière de fonds propres pour le financement des énergies fossiles afin d’éviter une crise économique.

  • Les instances de réglementation des banques et des assurances ont largement sous-estimé les risques liés aux investissements dans les énergies fossiles. Selon d’éminents économistes, ce manque de réglementation est comparable à la situation qui prévalait avant la crise financière mondiale de 2008.
  • Depuis la COP21 tenue à Paris en 2015, 3 260 milliards d’euros ont été investis dans les énergies fossiles par les 60 plus grandes banques du monde.
  • L’autorégulation pratiquée par les banques et les assurances a été qualifiée d’« échec historique de la réglementation ».
  • La lettre ouverte publiée aujourd’hui appelle donc à instaurer des exigences de fonds propres selon la logique « un euro de fonds propres pour un euro investi » dans le cadre de la réglementation prudentielle, c’est-à-dire que pour chaque euro investi dans un nouveau projet lié aux énergies fossiles, les banques et les assurances devraient mobiliser un euro pour se prémunir contre les risques futurs qui s’y rapportent.

À l’approche de la COP26, Adam Tooze, Ann Pettifor et Stephany Griffith-Jones, aux côtés d’autres éminents universitaires et personnalités influentes de la société civile du monde entier, se sont joints à l’appel lancé aux dirigeants mondiaux en vue d’imposer des exigences de fonds propres plus strictes aux banques et aux assurances qui financent de nouveaux projets liés aux énergies fossiles. Cette demande, lancée dans une lettre ouverte publiée aujourd’hui, fait suite à un appel similaire lancé par Chris Hohn, fondateur du Children’s Investment Fund, un fonds spéculatif gérant environ 30 milliards de dollars d’actifs.

L’appel est lancé à un moment crucial : la Commission européenne doit en effet soumettre aujourd’hui au Parlement européen et au Conseil de l’Europe une proposition législative relative à la réglementation des exigences de fonds propres. Cette proposition doit faire en sorte que le secteur bancaire de l’Union européenne (UE) se mette en conformité avec le cadre réglementaire international découlant de l’accord de Bâle III. Mais à ce jour, les risques climatiques ne sont pas pris en compte dans les exigences prudentielles prévues dans cette proposition.

Les dirigeants mondiaux devront bientôt renouveler leurs engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici à 2030 lors de la COP26 qui se tiendra à Glasgow. La présente lettre ouverte exhorte les responsables politiques, notamment Joe Biden, Boris Johnson, Ursula von der Leyen, Alok Sharma, et Mario Draghi à agir. Elle vise à faire pression pour que l’investissement dans de nouveaux projets liés aux énergies fossiles soit soumis à la pondération des risques la plus élevée possible dans le cadre des exigences en matière de fonds propres. À cela s’ajoute la règle du « un euro de fonds propres pour un euro investi », déjà appliquée aux classes d’actifs les plus risquées dans la réglementation prudentielle. Cela signifie que, pour chaque euro investi dans des projets liés aux énergies fossiles, les établissements financiers (banques et assurances) devraient détenir un montant de fonds propres équivalent pour compenser les pertes futures.

De fait, le système actuel de pondération prudentielle des risques pour les énergies fossiles est tout à fait inadéquat, car il agit comme une subvention du secteur bancaire et de celui des assurances dans leur financement de projets. Cela met en péril la stabilité économique à l’échelle mondiale, en faussant les marchés et en rendant les énergies fossiles anormalement peu chères. L’absence de réglementation a également pour effet d’amplifier les dégâts causés par les 1,31 millions d’euros par minute de subventions directes et d’allègements fiscaux accordés par les États au secteur des énergies fossiles, comme l’a montré le Fonds Monétaire International dans un rapport récent.

Selon les signataires de la présente lettre ouverte, « étant donné que nous sommes en transition vers une économie à faible émission de carbone, les actifs des banques et des assurances liés aux énergies fossiles perdront rapidement de leur valeur ou n’en auront bientôt plus aucune. Cela entraînera des pertes massives pour les établissements financiers qui pourraient nécessiter des renflouements, et ce sera aux citoyens de payer la facture ». Ils affirment également que « les niveaux de capitaux que les banques et les assurances doivent mobiliser pour couvrir les éventuelles pertes futures ne sont pas suffisants pour couvrir les risques réels qu’elles prennent ».

Selon les données publiées récemment par le Rainforest Action Network, depuis 2016, les 16 plus grandes banques européennes ont fourni plus de 475 milliards d’euros au secteur des énergies fossiles. Bien que l’on ne dispose pas de données comparables pour le secteur des assurances, on estime que les compagnies d’assurance de l’UE ont investi collectivement plus de 150 milliards d’euros dans le pétrole, le gaz et le charbon.

Selon Benoît Lallemand, Secrétaire général de l’ONG européenne Finance Watch à l’initiative de la lettre :

« La crise financière mondiale de 2008 – et ses conséquences politiques désastreuses – a montré ce qui se passait lorsque l’on ne maîtrisait pas les risques systémiques du système financier. Si nous n’agissons pas au plus vite, nous risquons d’être confrontés à une crise économique encore plus grave. Cela constituerait un échec historique de la réglementation, et ce seront les citoyens du monde entier qui devront payer la facture lorsque les banques et les assurances réclameront des sauvetages payés par des fonds publics. Notre message aux banques et aux compagnies d’assurance est donc le suivant : si vous voulez financer de nouveaux projets liés aux énergies fossiles, faites-le à vos risques et périls ».

Selon Stephany J. Griffith-Jones, chargée de recherche à l’Institute of Development Studies de l’Université de Sussex (Angleterre) et Directrice des marchés financiers de l’Initiative for Policy Dialogue de l’Université de Columbia (Etats-Unis) :

« Si elles continuent de financer l’extraction d’hydrocarbures, les banques et les assurances contribueront à nous faire dépasser un point de non-retour, tant sur le plan environnemental que sur le plan des risques considérables que cela fait peser sur la stabilité financière future, lorsque ces actifs deviendront obsolètes. Les instances de réglementation (telles que le Comité de Bâle sur le Contrôle Bancaire et l’Association Internationale des Contrôleurs d’Assurance) doivent prendre des mesures sans plus attendre pour éviter cette double catastrophe. Des mesures réglementaires conséquentes doivent être prises de toute urgence afin de décourager le financement de l’extraction d’hydrocarbures afin de garantir la stabilité économique et environnementale. Il est temps que les instances de réglementation agissent.»

La présente lettre ouverte marque ainsi le lancement de la campagne « Un euro de fonds propres pour un euro investi », menée par The Sunrise Project et Finance Watch, auxquels s’est jointe une coalition d’organisations de la société civile du monde entier, qui appelle à la mise en place d’une réglementation prudentielle pour le financement des énergies fossiles qui soit proportionnelle aux risques encourus.

Pour en savoir plus, contacter James Pieper :

+32 496 51 72 70

james.pieper@finance-watch.org

Notes à l’intention de la presse

Finance Watch

Finance Watch est une association d’intérêt public financée de manière indépendante, qui a pour objectif de mettre la finance au service de la société. Sa mission est de mieux faire entendre le point de vue des citoyens sur la réforme de la réglementation financière en menant des actions de plaidoyer et en présentant des arguments d’intérêt public aux législateurs et au public. Finance Watch est composé de groupes de consommateurs, d’associations de soutien au logement, de syndicats, d’ONG, d’experts financiers, d’universitaires et d’autres groupes de la société civile qui représentent collectivement un grand nombre de citoyens européens. Dans ses principes fondamentaux, Finance Watch affirme que la finance est essentielle à la société car elle permet l’utilisation productive du capital de manière transparente et durable, mais que la poursuite légitime d’intérêts privés par le secteur financier ne doit pas se faire au détriment de la société.

Finance Watch a publié deux rapports sur la réglementation prudentielle pour les secteurs des banques et des assurances : Breaking the climate-finance doom-loop et Insuring the uninsurable (en anglais).

Benoît Lallemand, Secrétaire général du groupe paneuropéen Finance Watch

Secrétaire général de Finance Watch depuis janvier 2017, Benoît Lallemand était auparavant policy analyst, spécialisé dans la directive européenne MiFID 2, ainsi que conseiller senior pour Better Markets au sujet des affaires européennes et responsable du développement stratégique et des opérations. Il a mis en place le « Citizens’ Dashboard of Finance », une plateforme permettant à un large éventail de parties prenantes, notamment à des pionniers des entreprises et des services financiers durables, à des universitaires et à des organisations de la société civile, de s’engager dans une campagne mondiale pour faire changer la finance. Avant de rejoindre Finance Watch lors de sa création en 2011, Benoît Lallemand a travaillé pendant plus de 10 ans pour le secteur financier, dans le domaine de la compensation et du règlement, où il a occupé des postes de direction dans des départements de placement d’actifs, et ses travaux ont porté essentiellement sur les marchés primaires de produits à revenu fixe et structurés et sur les exigences réglementaires en matière de déclaration. Il a dirigé plusieurs comités de pilotage d’entreprise et des projets stratégiques.

Stephany Griffith-Jones

Stephany Griffith-Jones est chargée de recherche à l’Overseas Development Institute, Membre émérite de l’Institute of Development Studies à l’Université de Sussex (Angleterre) et Directrice des marchés financiers de l’Initiative for Policy Dialogue à l’Université de Columbia (Etats-Unis). Économiste spécialisée dans la finance internationale et le développement, ses travaux portent principalement sur la réforme du système financier international, notamment en ce qui concerne la réglementation financière, la gouvernance mondiale et les flux de capitaux internationaux.

Elle a été Directrice adjointe des finances internationales du Secrétariat pour les pays du Commonwealth et a travaillé pour le Département des affaires économiques et sociales des Nations-Unies et la Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes. Elle a publié plus de 20 ouvrages et rédigé de nombreux articles scientifiques et de presse, notamment dans le Financial Times, The Guardian, Project Syndicate et The Conversation.

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